January 25, 2018

Les forces extra-orales nuisent-elles aux voies aériennes ? Une nouvelle étude.

La relation entre le traitement orthodontique et les voies aériennes est une nouvelle controverse en orthodontie. Cette étude publiée récemment pourrait nous apporter plus de réponses.

Un des bénéfices du traitement orthodontique découvert depuis peu est d’améliorer la fonction ventilatoire des enfants. J’ai écrit à ce sujet précédemment. La prémisse de base qui est mise en avant est que des forces de protraction du maxillaire induisent une augmentation du volume des voies aéro-digestives supérieures (VADS). Paradoxalement, les forces de recul issues des forces extra-orales ou la rétraction des incisives restreignent la langue et/ou les VADS. Ceci est ensuite à l’origine de troubles ventilatoires du sommeil ainsi que d’autres problèmes. Bien que ce domaine de recherche soit clairement important, il n’y a pas eu d’études cliniques concernant cette « pathologie » et la plupart des connaissances reste au niveau de preuve d’un compte rendu de cas et d’une opinion personnelle.

Nous avons manqué, et ceci de multiples façons, plusieurs opportunités d’étude de la question. Par exemple, les chercheurs des études « classiques » sur les traitements précoces des Classes II n’ont pas évalué les VADS. Lorsque nous avons établi notre protocole d’étude, nous n’avions même pas envisagé que le traitement influencerait les VADS. C’est probablement parce que ce problème n’avait pas encore été identifié auprès des patients d’orthodontie.

J’étais donc très intéressé par cette nouvelle étude. Elle traite de l’effet de la traction extra-orale à appui cervical sur la Classe squelettique et les VADS.

Une équipe de Oulu en Finlande a réalisé cet essai clinique. Le journal EJO a publié ce travail.

Dimensions des tissus durs et des voies aériennes chez les enfants traités par traction extra-orale à appui cervical de façon précoce ou tardive – un essai clinique randomisé.

Johanna Julku, Kirsi Pirilä-Parkkinen et Pertti Pirttiniemi

European Journal of Orthodontics, doi:10.1093/ejo/cjx088

Ils se sont demandé si « Le moment du début de traitement par traction extra-orale à appui cervical avait un effet sur les dimensions des VADS »

Qu’ont-ils fait ?

Ils ont mené un essai clinique randomisé avec une répartition des patients en 2 groupes de taille égale. Le PICO était le suivant :

Participants : enfants de 7 ans avec une malocclusion de Classe II présentant un surplomb incisif de plus de 6 mm et une supraclusion. Les opérateurs ont recensé les enfants depuis un programme de bilan bucco-dentaire dans le cadre scolaire.

Intervention : traction par force extra-orale classique cervicale lorsque les patients étaient âgés d’environ 7 ans. Ceci était le groupe de traitement précoce.

Comparaison : pas de traitement actif. Ils ont observé ce groupe pendant 18 mois. Une fois cette période passée, ils les ont traités avec une traction extra-orale à appui cervical. Il s’agit du groupe de traitement plus tardif.

Résultats (outcome) : une analyse céphalométrique des tissus durs et l’analyse des dimensions des voies aériennes. Ils ont récolté ces données au début du traitement (à T0), puis après traitement précoce par traction extra-orale à appui cervical/période d’observation (à T1) et enfin quand l’ensemble des traitements étaient finis (à T2).

Le calcul de la taille de l’échantillon était assez clair. Malheureusement, la taille de l’effet escompté qu’ils ont utilisée n’était pas claire.

Ils ont entrepris une randomisation préétablie, les attributions aux groupes et la mise en aveugle ont été réalisées à l’aide d’enveloppes scellées. Ils ne pouvaient pas mettre en aveugle les patients ni les opérateurs quant au choix du traitement. En revanche, l’analyse céphalométrique a été faite en aveugle.

Qu’ont-ils trouvé ?

Ils ont réparti au hasard 67 enfants dans les groupes traitement précoce et plus tardif. Sept des patients du groupe traitement précoce et 4 du groupe traitement tardif n’ont pas suivi l’étude jusqu’au bout. Ils n’ont pas fait d’analyse en intention de traiter.

Leurs résultats sont présentés sous forme de 2 grands tableaux de valeurs céphalométriques et ils ont analysé de nombreuses variables. Nous devons être prudents lors de l’interprétation de ces données parce qu’il y a un risque de trouver une significativité statistique par hasard, du fait que nous testons de nombreuses variables liées les unes aux autres.

Je n’ai pas la place de détailler toutes les variables mesurées. Cependant, en résumé, ils ont trouvé les informations suivantes :

  1. Il y a eu plus de recul du maxillaire chez les patients du groupe traitement précoce. La différence moyenne du SNA entre les deux groupes était de 1,2 degrés. Ils rapportaient des effets similaires sur l’ANB. Ce sont de faibles différences et je ne suis pas sûr qu’elles soient cliniquement significatives.
  2. Lorsqu’ils ont évalué les mesures du pharynx, ils n’ont pas trouvé d’effet lié à la force extra-orale.

Leurs conclusions sont celles ici :

  1. La traction extra-orale a appui cervical a corrigé de façon efficace la malocclusion de Classe II.
  2. Le traitement par force extra-orale n’a pas d’effet sur les mesures des voies aériennes supérieures.
Qu’en ai-je pensé ?

Cet essai a été bien mené et est très ambitieux. Les auteurs l’ont bien rapporté et ont écrit une discussion claire à propos de leurs résultats.

Comme pour toute étude, il y a des problèmes. Nous devons les regarder attentivement pour pouvoir décider à quel point nous sommes certains des résultats de l’étude.

La première et la plus importante problématique est le choix de mesures céphalométriques comme variables de comparaison. Ceci implique évidemment que les voies aériennes n’ont été évaluées qu’en deux dimensions. Par conséquent, beaucoup de cliniciens n’accepteront pas ces conclusions. Cependant, lorsqu’ils ont commencé leur étude, je suis certain que l’imagerie par CBCT aurait exposé les enfants à de hauts niveaux d’irradiation et je ne suis pas sûr que cela aurait été justifié.

Le 2nd problème est qu’ils n’ont pas mesuré le flux aéronasopharyngé, or il s’agit là de la variable la plus pertinente. Encore une fois, je pense que cela aurait été trop important en termes de ressources pour cette étude.

Un autre point important que nous devons prendre en compte est que la quantité de recul du maxillaire était faible. Je ne vois pas comment cela pourrait avoir un effet sur les voies aériennes.

Résumé

J’ai réfléchi à cela avec attention et je pense que nous devons accepter que cette étude est ce que nous pouvons avoir de mieux. Elle est clairement meilleure que les « preuves » actuelles qui sont basées sur quelques comptes-rendus de cas et des opinions personnelles.

En résumé, je pense que cet article accroît nos connaissances. Il est intéressant que les résultats ne rejoignent pas les opinions et les croyances actuelles de ceux qui suggèrent que les mécaniques de rétraction nuisent aux voies aériennes. Cet essai clinique constitue également un modèle pour de futures études qui devront être menées. Peut-être que les praticiens myofonctionnels et les médecins orthodontistes pourraient se mettre à faire une étude ? Jusqu’à là ceci est ce que nous avons de meilleur.

 

 

 

 

 

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