Ce que j’aurais aimé savoir plus tôt
Ceci est un article de Neal Kravitz, un orthodontiste influent basé aux Etats-Unis. J’ai trouvé que c’était une très bonne appréciation de l’effet de l’expérience en orthodontie sur sa pratique clinique.
Neal exerce en cabinet orthodontique libéral à South Riding et Ashburn en Virginie. Il est membre du Board Américain d’Orthodontie (ABO) et membre de la Société Edward Angle, composante Nord Atlantique. Vous pouvez le contacter via [email protected]
Ce que j’aurais aimé savoir plus tôt
Bill Proffit disait avec humour « personne n’en sait davantage qu’un interne en 2èmeannée d’orthodontie ». Il faisait allusion à l’excès de confiance en soi d’un nouvel orthodontiste qui doit encore vivre les épreuves de l’exercice libéral. Bien souvent j’aimerais pouvoir remonter le temps et parler à mon moi plus jeune afin de partager l’expérience précieuse acquise par tâtonnements. Si seulement j’avais su à l’époque ce que je sais maintenant.
Principe 1 : prendre fréquemment des documents en cours de traitement
Les documents en cours de traitement sont essentiels pour évaluer les inclusions dentaires, axes et résorptions radiculaires, pathologies, placement des brackets, hygiène bucco-dentaire, santé parodontale et bien plus encore. Malgré leur importance évidente, jeune orthodontiste, je ne prenais que des documents de début et fin de traitement, avec la panoramique intermédiaire occasionnelle pour la majorité de mes patients. Sans documents intermédiaires complets réguliers, je ne me donnais pas la possibilité de réorienter les traitements qui digressaient.
Maintenant je prends des documents tous les 3 rendez-vous, ou tous les 4-5 mois. Les documents des patients s’écartant du cap seront imprimés et mis sur mon bureau afin que je les étudie avec attention dès le lendemain.
Principe 2 : l’importance des secondes molaires
Les secondes molaires peuvent perturber l’occlusion de manière importante du fait de leur proximité avec le pivot de la mâchoire. Par exemple, la moindre égression verticale de ces dents est multipliée par 2 ou 3 dans la région incisive. Malheureusement, plus tôt dans ma carrière, je sous-estimais l’importance des secondes molaires et j’avais parfois tendance à éviter de les coller à cause de leur taux de décollement élevé. Des années plus tard, j’ai dû retraiter bon nombre de ces patients afin de corriger des problèmes non résolus en rapport avec ces dents.
Les secondes molaires sont également un très bon outil diagnostique. Si le traitement orthodontique est démarré trop tôt, bien avant l’éruption des secondes molaires, alors ces dents ont de grandes chances de ne pas être prises en charge correctement durant une fenêtre thérapeutique standard de 2 ans. De plus, si les secondes molaires mandibulaires sont verticales mais toujours incluses à cause des troisièmes molaires, alors des avulsions de prémolaires sont indiquées pour résoudre l’encombrement postérieur. Au début de ma carrière je me focalisais sur le recouvrement des frais du cabinet; maintenant je me concentre sur les secondes molaires.
Principe 3 : les avulsions de prémolaires sont nécessaires
Les avulsions de prémolaires sont toujours très nécessaires dans les traitements orthodontiques. L’expression « extrayez pour le visage et non pour le manque de place », qui s’est répandue pendant les années folles Damon lors de mon internat, est tout simplement fausse. Tôt dans mon exercice, j’évitais les avulsions car je pensais pouvoir gagner suffisamment d’espace grâce à l’expansion. Honnêtement, j’avais également peur de perdre la famille en faveur d’un autre orthodontiste. Beaucoup de ces patients ont subis une première phase / phase d’interception d’expansion inutile ou ont terminé avec une biproalvéolie sévère, nécessitant un retraitement ultérieur par avulsion de prémolaires.
Maintenant je recommande quotidiennement des avulsions de prémolaires et je suis enclin de perdre le patient en faveur d’un autre orthodontiste si la famille refuse mon plan de traitement. Pendant la consultation, j’analyse la panoramique et téléradiographie de profil avec la famille, en dessinant souvent sur les documents imprimés pour mettre en évidence l’encombrement. Idéalement, j’adresserais le patient pour avulsions pendant la phase de surveillance, des mois voire des années avant le début de son traitement, afin de permettre aux migrations spontanées de donner le départ.
Principe 4 : limiter les traitements d’interception
Les traitements interceptifs doivent être prescrits avec prudence. Dans beaucoup de cabinets, presque chaque patient en CE1 ou CE2 venant en consultation repart avec plan de traitement pour une expansion et un multi-bague. Quand j’ai lancé mon cabinet je n’étais pas différent. J’avais l’habitude de dire aux parents que le disjoncteur permettait d’éviter les avulsions et que le multi-bague permettait aux canines maxillaires de faire leur éruption en toute sécurité. J’argumentais en leur disant que tous ces efforts feraient gagner du temps et des efforts une fois le patient prêt pour la seconde phase de traitement. En réalité, certains de ces patients n’ont tirés que peu de bénéfices de cette phase interceptive et avaient toujours besoin de deux ans de traitement par multi-bague ou d’avulsions.
Maintenant je ne recommande un traitement interceptif plus que dans certains cas et je préfère avoir recours uniquement à un appareil si possible (à une unique phase de multi attaches). Si le patient présente une occlusion inversée antérieure en plus de leur déficit transversal marqué, alors j’ajoute des ressorts au disjoncteur pour aligner les incisives. Les patients avec un encombrement maxillaire modéré ne présentant pas d’occlusion inversée postérieure sont adressés pour avulsion de leurs canines temporaires. Je pense que nous surtraitons nos jeunes patients.
Principe 5 : l’importance d’être humble
Trop d’orthodontistes sont hyper-critiques l’un envers l’autre. Ce comportement est certainement attribuable à notre réussite universitaire lors de nos études dentaires, les présentations matinales de cas cliniques pendant l’internat et la compétition pour les patients en cabinet libéral. Quand j’ai été diplômé, je pensais être mieux formé que les autres orthodontistes de mon secteur. Je jugeais les autres d’un regard plus critique que celui que je portais à moi-même.
J’ai maintenant une vision plus réaliste de moi-même et je réfléchis davantage. Si un transfert entrant arrive à mon cabinet, je poursuis leur traitement sans frais supplémentaires pour la famille afin de soutenir l’orthodontiste précédent. Je n’ai plus le temps de critiquer les autres car j’ai moi-même tellement de choses à améliorer.
Conclusion
Je partage ces principes en vue d’une catharsis et j’espère qu’ils pourront être utiles à d’autres dans leur voyage professionnel. En tant qu’interne j’étais persuadé que savais tout jusqu’à ce qu’il devienne évident, des années plus tard, que ce n’était pas le cas. Chaque jour passé à soigner des patients nous donne de nouvelles leçons et il y a encore tellement de choses à apprendre.
Emeritus Professor of Orthodontics, University of Manchester, UK.