L’AJO a publié un nouvel essai clinique sur AcceleDent : jetons-y un coup d’œil critique !
J’ai posté plusieurs fois sur des recherches concernant les méthodes d’accélération du déplacement dentaire. Ce nouvel article nous apporte des informations sur les durées totales de traitement avec AcceleDent.
L’orthodontie est constamment en évolution et parmi les développements récents il y a les méthodes de diminution de la durée du traitement. Celles-ci comportent des techniques de traumatismes locaux, des pilules et médications en tout genre, le laser et les vibrations. Malgré les promesses des fournisseurs et de ceux qui ont un intérêt personnel dedans, la plupart des recherches démontrent qu’il n’y a aucune preuve que ces innovations aient un effet clinique significatif.
Récemment, j’ai écrit sur une étude à propos de l’effet des vibrations sur les traitements en technique Invisalign. Ce post a provoqué bon nombre de critiques sur les réseaux sociaux et j’ai été accusé d’être biaisé parce que je n’ai pas été critique sur la recherche qui conforte mon opinion quant à l’introduction d’une nouvelle technique sans l’avoir testée. J’ai pris ces commentaires au sérieux et par conséquent je vais avoir un regard très critique sur cet article.
DiBiase et al
Am J Orthod Dentofacial Orthop 2018;153:469-80
https://doi.org/10.1016/j.ajodo.2017.10.021
Je vais déclarer un conflit d’intérêt puisque je connais bien plusieurs membres de l’équipe qui a mené cette étude.
Une équipe du Kent, dans la belle Angleterre du Sud, a réalisé cette étude. Dans leur revue de littérature ils ont fait remarquer que de nombreuses études ont été faites sur AcceleDent. Les investigations initiales étaient non randomisées, rétrospectives et celles-ci suggéraient qu’AcceleDent a un effet. A celles-ci font suite des essais cliniques qui n’ont pas trouvé de preuve d’un effet bénéfique. Toutes ces études se sont concentrées sur une évaluation d’étapes isolées du traitement orthodontique, par exemple le degré de rétraction canine, l’alignement et la fermeture des espaces. Aucune étude n’a évalué le traitement dans sa globalité ainsi que ses résultats. J’ai pensé que cette étude était importante car ils s’y sont pris en posant la question suivante :
“ Quel est l’effet de l’appareil AcceleDent sur le résultat d’un traitement orthodontique au moyen d’un appareil fixe ?”
Qu’ont-ils fait ?
Ils ont réalisé un essai clinique randomisée. Le PICO était le suivant :
Participants : personnes âgées de moins de 20 ans avec une malocclusion qui nécessite un traitement par appareil fixe. Ils ont un encombrement mandibulaire dont le traitement nécessitait l’extraction de prémolaires.
Interventions : Il s’agissait de (i) AcceleDent (ii) AcceleDent factice (iii) traitement classique. Tous les patients ont été traités en technique MBT avec des brackets Victory et un protocole de routine avec approximativement 6 semaines entre chaque visite.
(Outcome) Résultat : Le résultat principal était le taux de fermeture des espaces mandibulaires. Les résultats secondaires étaient (i) taux de fermeture des espaces (ii) durée du traitement en mois (iii) score PAR.
Ils ont utilisé des minuteurs inclus dans l’appareil AcceleDent pour mesurer la compliance. Malheureusement, ces mesures ont échoué.
Ils ont fait un calcul de la taille de l’échantillon basé sur le degré d’alignement de l’arcade mandibulaire. Ceci a été un résultat obtenu dans un travail publié précédemment sur cet essai clinique. Par conséquent, cet article a rapporté des résultats en l’absence d’un calcul spécifique de la taille de l’échantillon. Les auteurs ont fait remarquer que le calcul de la taille de l’échantillon d’une étude précédente sur la fermeture des espaces suggérait que cette partie de leur étude était d’une puissance suffisante. Je reviendrai sur ce point plus tard, car celui-ci est très important.
Ils ont prévu une randomisation faite à distance et la distribution a été réalisé en aveugle pour les opérateurs. Malheureusement, il n’était pas possible de mettre en aveugle les opérateurs ni les patients quant au groupe de traitement. Cependant, toutes les données ont été masquées lors de la collecte de données. C’était bien de voir qu’ils ont réalisé une analyse statistique per protocole et en intention de traiter. Ce qui est important est qu’il s’agissait d’une analyse de régression pertinente, qui a pris en compte l’effet de cofacteurs potentiels tels que l’opérateur, la malocclusion initiale, etc….
Qu’ont-ils trouvé ?
Ils ont rapporté que 81 patients sont entrés dans l’étude et qu’il en restait 61 à la fin. Ceci correspond à un taux d’achèvement du traitement de 75%.
Ils ont présenté une analyse très détaillée de leurs données et j’en ai extrait les résultats médians les plus importants dans le tableau ci-dessous :
AcceleDent | AcceleDent factice | Appareil fixe seul | |
Taux de fermeture des espaces mensuel (mm/mois) | 0,82 | 0,68 | 0,95 |
Durée du traitement (mois) | 20,45 | 16,73 | 17,64 |
Scores PAR finaux | 3 | 3 | 3 |
L’analyse statistique approfondie n’a pas révélé de différence entre les groupes pour aucun des résultats.
Les auteurs ont noté que les taux de fermeture d’espace et la durée du traitement étaient similaires aux autres études.
Finalement, ils ont attiré l’attention sur les limites de l’étude dans la discussion.
Qu’en ai-je pensé ?
Comme pour tout essai clinique, il y a des éléments positifs et des limites. Nous devons souligner le fait que les essais cliniques ont l’avantage de limiter les biais comparé à d’autres types d’études. Par ailleurs, il est important de savoir qu’il est impossible d’éviter tout biais et d’obtenir l’essai clinique parfait. C’est à nous d’interpréter par la suite les études à la lumière des limites qu’elles ont.
Quels étaient les points forts de l’étude ?
Premièrement, je vais regarder les points forts. Le plus important est qu’il s’agit d’une étude multicentrique réalisée avec plusieurs opérateurs dans des cliniques qui travaillent avec des protocoles normaux. La randomisation, la distribution des patients et la mise en aveugle ont été bien menées. Ils ont rassemblé les données en aveugle. Ils ont mis en place une analyse statistique pertinente et sophistiquée. Les auteurs n’étaient pas financés par OrthoAccel. L’AJO-DO a publié leur article et il s’agit de notre revue orthodontique principale avec une réputation pour de la haute qualité.
Quelles étaient les limites ?
Les auteurs ont attiré l’attention sur les limites de leur étude. Je trouvais que la plus importante était le calcul de la taille d’échantillon. Ils ne l’ont pas basé sur les résultats qu’ils ont mesurés dans cette partie de leur étude. Ce qui signifie qu’il y a un risque que l’étude n’ait pas eu assez de puissance pour identifier une éventuelle différence significative entre les groupes.
Ils ont en effet utilisé des calculs issus d’autres études, afin de justifier leur échantillon et ceci était rassurant. Cependant, nous devons également considérer la taille de l’effet de leurs interventions. Il était faible. Donc, je suis plus confiant quant à leurs résultats.
Un autre inconvénient est que les minuteurs de compliance n’ont pas fonctionnés. En fait, certains leaders d’opinion d’AcceleDent s’en sont servis comme critique de l’étude. Mon sentiment est que bien qu’il eut été intéressant d’avoir des informations au sujet de la compliance, ceci n’est pas essentiel. Ceci parce que l’étude mesurait l’effet d’un traitement donné au patient. C’est similaire à un essai médicamenteux dans lequel les investigateurs prescrivent un traitement auto-administré aux participants de l’étude. On ne sait pas réellement s’ils ont pris leur médication. Ce qui est important c’est que c’est ainsi que ça se passe dans le monde réel et ces essais cliniques ont une validité.
J’ai pensé à d’autres limites moins pertinentes et dont l’effet était minimisé par la randomisation.
Résumé
Nous devons prendre en compte les résultats de cette étude ainsi que d’autres essais cliniques randomisés. Il y en a maintenant eu plusieurs et tous arrivent à la même conclusion. Il n’y a pas de preuve d’un effet cliniquement significatif d’AcceleDent sur le déplacement dentaire.
Emeritus Professor of Orthodontics, University of Manchester, UK.