Un nouvel essai clinique randomisé sur la disjonction maxillaire rapide à l’aide d’ancrages osseux
La disjonction maxillaire rapide est une modalité de traitement orthodontique importante. Une avancée récente a été la disjonction maxillaire rapide à l’aide d’ancrages osseux. Ce nouvel essai clinique compare la disjonction maxillaire sur ancrages osseux à celle à appui dentaire.
Classiquement, les disjoncteurs sont scellés directement sur les dents. Cette méthode ne permettrait pas toujours d’obtenir une expansion squelettique maximale du fait d’une vestibuloversion des molaires. Des disjoncteurs à appui osseux ont été développés récemment afin de palier à ces inconvénients.
Une équipe de Turquie a réalisé cette étude dans le but de comparer les disjoncteurs à appui dentaire à ceux à appui osseux.
Tugce Celenk-Koca et al
Angle Orthodontist
DOI: 10.2319/011518-42.1
Qu’ont-ils demandé ?
Ils cherchaient à savoir s’il y avait des différences entre les disjoncteurs conventionnels et ceux sur mini-vis.
Qu’ont-ils fait ?
Ils ont réalisé un essai clinique randomisé à deux bras parallèles avec une attribution équivalente des interventions. Le PICO était le suivant :
Participants : patients orthodontiques nécessitant 8 mm d’expansion d’un âge moyen de 13,8 ans (écart-type 1,2 ans).
Intervention : disjonction maxillaire rapide sur mini-vis.
Contrôle : disjonction maxillaire rapide à appui dentaire (molaires et prémolaires).
Variable étudiée : le critère de jugement principal était la correction de l’occlusion inversée postérieure. Les critères de jugement secondaires étaient des mesures squelettiques et dentaires (comprenant les résorptions radiculaires) réalisées à partir d’examens CBCT pris au début de l’expansion (T1) et 6 mois plus tard (T2).
Ils ont effectué une randomisation pré préparée et ont dissimulé l’attribution à l’aide d’enveloppes scellées. Ils ont eu recours à des statistiques univariées simples.
Qu’ont-ils trouvé ?
Les groupes étaient similaires au départ du traitement. Ils ont attribué de manière aléatoire les deux interventions à 21 patients dans chaque groupe. Malheureusement, je n’ai pas pu trouver de données sur la correction des occlusions inversées postérieures. J’ai extrait ces données de leurs mesures sur CBCT et j’ai calculé les intervalles de confiance. Je ne présente que les données à T2 car elles nous fournissent suffisamment d’informations sur la taille de l’effet.
Classique | Appui osseux | Différence | |
Largeur du foramen incisif (mm) | 4,7 | 6,7 | 1,9 (1,19 – 2,6) |
Largeur de la suture au niveau prémolaire (mm) | 2,5 | 4,6 | 2,1 (1,4 – 2,7) |
Largeur de la suture au niveau molaire (mm) | 2,0 | 3,9 | 1,9 (1,2 – 2,5) |
Lorsqu’ils ont étudié l’inclinaison vestibulo-palatine des dents ils ont trouvé :
Classique | Appui osseux | Différence | |
Prémolaires (°) | 87,7 | 92,1 | 4,4 (0,8 – 7,9) |
Molaires (°) | 94,8 | 101,4 | 6,6 (3,6 – 9,5) |
Il n’y a pas eu de différences marquées concernant les résorptions radiculaires.
Les auteurs ont interprété leurs résultats et ont conclu :
« L’expansion maxillaire rapide à appui osseux a permis d’augmenter plus de 2,5 fois l’ouverture de la suture intermaxillaire par rapport à l’expansion à appui dentaire. »
Qu’en ai-je pensé ?
J’ai trouvé cette étude intéressante. Cependant, il y a des points qu’ils n’ont pas rapportés clairement. Par exemple, le critère d’inclusion était que les patients présentent un déficit transversal maxillaire. Je n’ai pu trouver aucune information sur la manière dont était diagnostiquée cette caractéristique. De plus, ils n’ont pas publié au sujet de leur critère de jugement principal (correction de l’occlusion inversée postérieure).
C’est bien dommage que ce soit un autre article non conforme aux directives CONSORT sur la publication d’essais cliniques que l’Angle publie. Je l’ai donc trouvé difficile à lire et à interpréter. Peut-être que l’éditeur peut s’occuper de ce problème ?
Lorsque j’ai lu les conclusions j’ai été dérangé qu’ils affirment que l’expansion à appui osseux avait un effet 2,5 fois supérieur à l’expansion à appui dentaire. Là aussi, je n’ai pas pu comprendre comment ils ont pu calculer ce chiffre. Nous devons aussi garder à l’esprit qu’on a tendance à exagérer l’effet du traitement lorsque l’on exprime des différences entre deux thérapeutiques de cette façon.
Nous devons être attentifs à la taille de l’effet sur l’expansion de la suture intermaxillaire. Elle est de seulement 2,1 mm et l’intervalle de confiance nous dit qu’elle peut aussi bien être de 1,4 ou 2,7 mm. Le gros titre serait maintenant :
« La disjonction maxillaire à appui osseux est 2,1 mm plus efficace que celle à appui dentaire. »
Ceci ne sonne plus aussi bien, mais vous pouvez très bien penser que c’est cliniquement significatif et suffisant pour adopter l’expansion à appui osseux. Nous devons également considérer si le traumatisme supplémentaire et la surcharge de traitement sont justifiés par une différence d’expansion de 2 mm. Cette étude nous permet de délivrer cette information à nos patients, qui peuvent alors choisir leur modalité de traitement.
Je suis désolé d’être si critique d’une étude apparemment bien conduite, mais nous devons prendre en compte ces questions lorsque nous interprétons des articles.
Emeritus Professor of Orthodontics, University of Manchester, UK.