En conclusion… un article d’un invité, par Lysle Johnston
Voici un article écrit par un invité, Lysle Johnston, l’un des orthodontistes les plus respectés au monde. Il évoque certaines des problématiques de la correction de la Classe II qui ont été discutées dans de précédents articles.
Apologie
Pour commencer, veuillez noter que cette communication est, en partie, une apologie de la céphalométrie au 21esiècle. Je suis prêt à accepter/admettre qu’une bonne partie des « recherches » céphalométriques du siècle dernier nous ont fourni des réponses inutiles à des questions que l’on ne s’est pas posées. Alors peut-être qu’en conséquence il faut considérer que ce type de recherche est obsolète. Il faut le reconnaître, la céphalométrie ne peut répondre aux questions sur la « satisfaction » : est-ce que vous ne vous sentez pas mieux quand vous venez chez moi en sachant que l’on va « travailler avec la croissance » en traitant tôt et fréquemment ?
Le fait que quelque chose soit facile à faire et encore plus facile à vendre ne cache pas le fait qu’il n’y a souvent aucune preuve pour soutenir ce que nos traitements contemporains « new age » peuvent réellement faire et de la manière dont ils le font. Plus ? Mieux ? Différemment ? Qui s’en soucie ? Temps que personne ne meurt de perte d’ancrage, les données ne sont pas importantes ; des publicités massives sont tout ce dont nous avons besoin. Pour quelqu’un qui, depuis son enfance rurale, a démonté des montres et des voitures pour comprendre leurs mécaniques internes, j’argumenterai qu’une analyse céphalométrique rigoureuse (2D ou 3D) est actuellement la seule façon de caractériser l’impact morphologique réel des marchandises vendues dans le grand bazar orthodontique. Ainsi soit-il. En me basant sur 60 années de recherches céphalométriques, j’en suis venu à un certain nombre de conclusions à propos des fonctionnements internes de nos différents traitements. Plus d’un siècle de « croissance osseuse » avec des traitements anciens, nouveaux et recyclés en est un bon exemple.
Comment la correction de la Classe II se fait-elle ?
Pour les malocclusions de Classe I et Classe II, il est connu (grâce à la céphalométrie) que la croissance typique présente un excès mandibulaire. Nous savons aussi (à nouveau grâce à la céphalométrie) qu’en l’absence de traitement, cet excès mandibulaire favorable n’a généralement pas d’impact sur les relations molaires : la compensation dento-alvéolaire maxillaire neutralise l’effet de l’excès mandibulaire. En se basant sur les données (une fois de plus, céphalométriques) obtenues de l’analyse de milliers de différents traitements de Classe II, j’argumenterais que tous les traitements réussis (le lecteur peut préciser les critères de la « réussite ») font ce qu’ils font en contrôlant la position antéro-postérieure de la dentition supérieure.
En conséquence, les dispositifs « Carriere Motion », les forces extra-orales, les minivis, les « distal jets », les élastiques de Classe II et consorts serviraient non seulement à contrôler les segments buccaux maxillaires mais également à permettre à l’excès mandibulaire de se produire et de contribuer à la correction molaire. Le même argumentaire peut être effectué (en se basant sur mes données céphalométriques) pour n’importe quel traitement qui propose un saut de l’occlusion dans l’espoir d’augmenter la croissance mandibulaire.
Qu’est-ce qui « fonctionne » ?
Pour commencer, il est clair que les « fonctionnels » fonctionnent ; cependant, la majeure partie des preuves pertinentes (dérivées de la céphalométrie) montre que cette réussite dépend du schéma de croissance usuel, plutôt que d’une augmentation supposée, mais probablement imaginaire, de la croissance mandibulaire. En fait, le « sourire du dimanche » produit par les appareillages fonctionnels sert à propulser la mandibule pour que l’excès mandibulaire normal (« usuel », « attendu », moyen, etc.) puisse s’effectuer sans entraîner des compensations dento-alvéolaires maxillaires. De plus, cela permettrait à cet excès d’entraîner une croissance des condyles en arrière dans la fosse, aidant ainsi à conserver la mandibule dans une position antérieure. Au vu de cette analyse, utiliser un aligneur mandibulaire bloqué en propulsion pourrait fonctionner ; malheureusement, c’est probablement un développement non nécessaire.
Si le but du jeu est de permettre à l’excès mandibulaire normal de s’exprimer sans pousser les dents du haut en avant, tout ce qu’il faudrait serait de « mettre à plat » la gouttière supérieure (ou inférieure). D’après mes données céphalométriques, je dirais qu’en l’absence d’intercuspidation occlusale, tout ou presque de la correction de la Classe II serait ainsi obtenue « gratuitement ». J’ai proposé cette modification à Invisalign il y a des années, mais elle a rencontré peu d’intérêt. Le futur ne sera probablement pas plus aimable avec le monde des conclusions céphalométriques et ses praticiens ataviques. Si c’est le cas, nous risquons de jeter le bébé avec l’eau du bain en supposant que la céphalométrie ait peu de place dans le monde de la biologie craniofaciale contemporaine.
Si, comme cela semble probable, les données céphalométriques sont amenées à être ignorées (rationalisé par un intérêt égoïste « d’hygiène des radiations »), les arguments de vente et le « résultat financier net » des cabinets seront les seuls critères nous permettant de déterminer si de nouveaux appareillages font réellement ce qui est déclaré. C’est comme ça que cela fonctionne et probablement comme ça que cela sera pour toujours, « le monde sans fin ».
Je suis content d’être à la retraite.
Emeritus Professor of Orthodontics, University of Manchester, UK.