Est-ce que les ancrages osseux temporaires sont économiquement rentables ?
L’arrivée des ancrages osseux temporaires a révolutionné le traitement orthodontique. Mais sont-ils économiquement rentables ? Ce nouvel essai clinique nous donne une réponse.
Les ancrages osseux temporaires sont une excellente méthode pour renforcer l’ancrage. Une revue systématique récente a montré qu’ils étaient efficaces et sûrs. Les données de cette revue portaient sur l’efficacité des ancrages osseux. Cependant, afin d’être exhaustifs à propos de cette innovation il nous faut considérer la rentabilité économique (cost-effectiveness en anglais). Ce nouvel article répond joliment à cette question.
Niels Ganzer et al
European Journal of Orthodontics, 2018, 1–8 doi:10.1093/ejo/cjy041
Une équipe suédoise a fait cette étude, et l’EJO l’a publiée.
Dans leur revue de littérature ils ont décrit l’utilisation des minivis pour renforcer l’ancrage. Ils ont aussi parlé du concept de bloc molaire d’ancrage. Pour cela, le praticien prépare l’ancrage en se basant sur les tailles des racines des dents. Pour le bloc molaire d’ancrage ils ligaturent ensemble la deuxième molaire, la première molaire et la deuxième prémolaire afin de fournir une unité d’ancrage permettant de reculer la première prémolaire.
La question principale de l’étude était :
« Est-ce que l’utilisation de minivis comme renfort d’ancrage va réduire le coût du traitement en comparaison avec des blocs molaires ? »
Qu’ont-il fait?
Ils ont effectué un essai clinique randomisé avec une allocation de 1:1. Leur PICO était :
Participants : Patients orthodontiques âgés de 11 à 19 ans nécessitant un traitement par appareillage fixe et des extractions de première ou deuxième prémolaire maxillaire. C’était des cas demandant un ancrage modéré à fort avec au moins 75% de l’espace d’extraction à conserver pour la rétraction en masse.
Intervention : Ancrage osseux temporaire (minivis)
Contrôle : Préparation debloc molaire d’ancrage
Critère de jugement : Perte d’ancrage et coût
Ils ont collecté les données au début du traitement et lorsqu’ils n’avaient plus besoin du renfort d’ancrage.
Ils ont également mesuré le déplacement des dents à partir de scans 3D.
Enfin, ils ont calculé le coût direct du traitement à partir du coût matériel des appareillages et du temps chirurgical. Les coûts indirects ont été calculés à partir de la perte de revenus et des coûts de transport.
Qu’ont-ils trouvé ?
Ils n’ont pas fourni beaucoup d’information à propos de la quantité de perte d’ancrage dans ce papier. Cependant, ils ont écrit que ce manuscrit était en préparation. Ils ont trouvé une perte d’ancrage moyenne de 1.5mm chez les patients avec minivis et 2.8mm chez les patients avec blocs molaires. C’est similaire à d’autres études.
Ensuite ils ont regardé les coûts. Le coût moyen du traitement minivis était de 4 680€ en comparaison des 3609€ du traitement pas blocs molaires. Cela représentait une différence statistiquement significative de 829€. Il est important de noter qu’ils ont attribué cette différence à un nombre plus élevé de rendez-vous et de durée de traitement dans le groupe minivis. Cela était dû à un temps de finitions allongé de 5.1 mois. Ils ont suggéré que cela venait d’une durée plus longue de mésialisation des molaires après la rétraction des canines.
Enfin, ils ont suggéré que pour les cas nécessitant un renfort d’ancrage modéré, l’utilisation de minivis n’était pas rentable économiquement. Cependant, les minivis devraient être utilisées pour les cas nécessitant un ancrage maximum.
Qu’en ai-je pensé ?
J’ai pensé que cet essai clinique randomisé était bien fait. Cependant, la publication du papier détaillant les effets du traitement nous aurait aidé à interpréter ces données. On attend encore sa publication. J’ai trouvé un autre papier de cette série où les investigateurs ont rapporté des douleurs et de l’inconfort. L’Angle Orthodontist a publié ce papier. Cela a montré que la randomisation et l’allocation étaient bons.
Les résultats de ce papier me semble cliniquement utiles. Les différences de coût étaient cliniquement significatives. J’ai trouvé que c’était intéressant qu’ils aient pensé que celles-ci venaient du besoin de fermer les espaces en mésialant les molaires dans le groupe minivis. Cela pourrait représenter une utilisation « incorrecte » des mécaniques offertes par une nouvelle technique, et je me demande si cela n’arrivera pas de plus en plus souvent maintenant que l’on devient plus expérimentés en gestion de l’ancrage avec les ancrages osseux temporaires ?
Comme à l’accoutumée avec les papiers cliniques, c’est à vous d’interpréter ces résultats. Ce nouveau papier est intéressant et nous offre des résultats cliniquement utiles à donner à nos patients. Je pense qu’il faut attendre avec impatience les autres papiers qui vont être publiés à propos de cet essai clinique. C’est un bon papier à propos duquel discuter dans les commentaires de ce blog. Mais peut-on éviter une discussion sur la respiration ou le profil après extraction / sans extraction, et tout autre sujet magique ?
Emeritus Professor of Orthodontics, University of Manchester, UK.