Partie 2 d’un résumé brillant sur les liens entre orthodontie et SAOS
Ceci est la seconde partie du compte-rendu de Greg Jorgensen du congrès d’hiver de l’AAOsur les SAOS. Il parle du diagnostic et traitement des SAOS par les orthodontistes.
Comment diagnostiquer un SAOS ?
Pour le moment, le seul moyen de diagnostiquer un SAOS est un examen du sommeil appelé polysomnographie (PSG), réalisé en laboratoire. Bien qu’il existe des coffrets d’étude à domicile et des applications pour smartphone de plus en plus populaires, le consensus des experts est qu’aucun de ces moyens n’a l’ensemble des caractéristiques nécessaires pour permettre un diagnostic précis (aucun ne mesure les ondes cérébrales).
De manière importante, les orthodontistes ne peuvent pas prescrire et ne disposent pas des qualifications pour interpréter les résultats d’une PSG. Le standard actuel pour quantifier la sévérité du SAOS et l’Indice d’apnée-hypopnée (IAH) qui correspond au nombre d’évènements de perturbation du sommeil par heure. Pour les adultes, moins de 5 est normal, de 5 à 15 le SAOS est léger, modéré de 15 à 30 et sévère au-delà de 30. Pour les enfants un IAH inférieur à 1 est normal, en d’autres termes les enfants ne doivent pas avoir d’évènements d’apnée ou d’hypopnée durant leur sommeil.
Le SAOS peut-il être diagnostiqué à l’aide de radiographies ?
L’imagerie 3D CBCT nous permet de faire des reconstructions intéressantes et instructives ainsi que de faire des mesures telles que l’aire en section minimum. Bien que certains articles fassent part de corrélations entre cette aire minimale et le « risque de SAOS », nous ne pouvons pas diagnostiquer de SAOS à partir de radiographies. Ce n’est seulement une étude bien codifiée du sommeil qui permet un tel diagnostic.
Les amygdales et végétations visibles sur les téléradiographies de profil peuvent être un facteur de risque pour le SAOS pédiatrique, mais là encore leur seule présence ne permet pas d’établir un diagnostic de SAOS. Les ORLs confirment la présence d’une obstruction des voies aériennes à l’aide d’une endoscopie et non à l’aide de radiographies.
Le SAOS n’est pas seulement un problème structurel, c’est pourquoi l’identification de morphologies à risque peut être trompeuse. Beaucoup de patients présentant ces morphologies à risque ne souffrent pas de SAOS. A l’inverse, des patients présentant une « anatomie normale » peuvent être atteints.
En résumé : l’imagerie 2D ou 3D n’est pas une technique appropriée pour l’identification de facteurs de risque ou de dépistage du SAOS.
Quels traitements sont efficaces pour les SAOS de l’adulte ?
Le « gold standard » du traitement du SAOS de l’adulte et la Ventilation par pression positive continue (PPC). Son taux de succès est supérieur à 90%. Pour les patients ne supportant pas la VPP, les traitements par dispositifs intra-oraux sont efficaces dans 65% des cas. Bien que la prescription de régimes et d’exercice physique peut être utilisée pour réduire l’obésité chez les adultes souffrant de SAOS, son taux de succès reste faible du fait d’une compliance réduite. Les patients traités par une chirurgie bariatrique peuvent avoir de meilleurs résultats si leur perte de poids est permanente. L’éducation fonctionnelle, les thérapies avec de l’oxygène, thérapies par pression, traitements de stabilisation de la langue, colliers cervico-mandibulaires et la chirurgie orale sont d’autres alternatives thérapeutiques.
Parmi toutes ces approches, seules la chirurgie et une perte de poids permanente semblent pouvoir « guérir » cette maladie.
Quelles chirurgies orales sont utilisées pour le traitement du SAOS ?
Les chirurgies de l’oropharynx, de la cavité nasale, langue, os hyoïde, gorge et des maxillaires ont toutes été utilisées pour traiter des SAOS. Les interventions sur la luette, les piliers amygdaliens et le septum nasal ont toutes pour but d’augmenter le flux d’air à travers l’oropharynx. Les chirurgies de la langue ont pour objectif d’essayer de tirer la langue en avant, d’abaisser la base de la langue, de réduire sa taille ou de la stimuler afin d’augmenter sa tonicité musculaire. Toutes ces interventions ne sont efficaces que si ces structures sont réellement le facteur étiologique dans le collapsus de l’oropharynx. Il n’y a aucune preuve que les disjonctions maxillaires rapides assistées chirurgicalement (SARME) aident à prévenir cet effondrement et ne sont donc pas classiquement indiquées dans le traitement des SAOS. L’approche chirurgicale la plus efficace et la plus agressive pour le traitement du SAOS est l’avancée maxilo-mandibulaire.
Pourquoi un patient aurait besoin d’une avancée maxilo-mandibulaire ?
Cette approche permet de « guérir » le SAOS dans 86% des cas. Les patients peuvent avoir recours à cette alternative s’ils ne supportent pas la VPP ou les dispositifs d’avancée mandibulaire, qu’ils sont jeunes et ne souhaitent pas de VPP ou de dispositifs intra-oraux à vie ou qu’il y a d’autres problèmes cranio-faciaux justifiant le mouvement des mâchoires. Le plus grand défi pour ces patients est la modification de leur occlusion après l’avancée des deux mâchoires. C’est la raison pour laquelle l’avancée maxilo-mandibulaire doit toujours être réalisée en parallèle d’un traitement orthodontique. Bien que cette approche soit très efficace, il y a toujours 14% des patients qui présentent un collapsus de l’oropharynx en post chirurgical, ce qui n’est pas surprenant car le SAOS n’est pas uniquement lié à l’anatomie.
Quels traitements sont efficaces pour le SAOS pédiatrique ?
Une perte de poids isolée permet d’éliminer le SAOS dans plus de 50% des jeunes patients compliants, l’obésité étant le premier facteur de risque. Les tonsiles palatines et végétations hypertrophiques sont la seconde cause de troubles ventilatoires chez les enfants, leur ablation est donc toujours un traitement de choix.
S’il y a une constriction maxillaire concomitante, la disjonction maxillaire rapide peut être prescrite APRES l’adénectomie par le médecin traitant. Autrement, pour les patients orthodontiques n’ayant pas de SAOS, il n’y a aucune raison de faire de l’expansion « au nom de la ventilation » s’il n’y a pas de constriction maxillaire ou d’occlusion postérieure inversée.
Quel est le rôle de l’orthodontiste dans le SAOS ?
La chose la plus importante que peuvent faire les orthodontistes est de comprendre la maladie. Une revue réaliste des données les plus récentes permet de conclure que les orthodontistes ne peuvent prédire, prévenir, diagnostiquer ou traiter un SAOS. En revanche notre rôle est de dépister cette maladie et d’identifier ceux qui présentent des signes et symptômes, de les adresser aux médecins appropriés et seulement ensuite de peut-être réaliser des traitements de soutien ou des dispositifs intra-oraux prescrits par les médecins. Traiter seuls les SAOS est en dehors de nos champs de compétences d’orthodontistes.
Pouvons-nous prévenir ou guérir le SAOS chez nos patients ?
Personne n’a pu établir que l’expansion maxillaire, à l’aide d’ancrages osseux ou non, prévient ou guérit le SAOS.
« Les effets de la disjonction maxillaire rapide chez les enfants présentant un SAOS sont essentiellement soutenus par des études des faible niveau de preuve (absence de groupe contrôle pour comparer les patients avec la croissance normale). Les essais cliniques randomisés n’ont pas trouvé de fondements à son utilisation. »
Il n’y a pas de preuves qu’une seule expansion du palais (ainsi que les cavités nasales) réduise les paramètres du SAOS. Ceci résulte du fait que la taille des cavités nasales n’est pas liée à potentiel de collapsus de l’oropharynx. En d’autres termes, augmenter la taille des structures squelettiques sous-jacentes ne permet pas d’assurer que les tissus mous sus-jacents suivent ou répondent différemment. Le Dr. Charles Guilleminault , pionnier dans le domaine de la médecine du sommeil, s’est intéressé à l’utilisation des freinectomies dans le traitement des SAOS. Il suggérait dans sa conférence que seules les freinectomies réalisées dans la première année de vie avaient un effet béénfique sur le SAOS. Bien qu’il y ait d’autres raisons d’y avoir recours après l’âge d’un an, le SAOS n’est pas une indication.
Comment dépister les SAOS en cabinet d’orthodontie ?
Il y a deux outils essentiels auxquels chaque orthodontiste peut avoir recours immédiatement. Tout d’abord, le Pediatric Sleep Questionnaire(PSQ) est actuellement le meilleur moyen d’identifier un SAOS chez les enfants que nous voyons en cabinet. C’est un simple formulaire d’une page facile à remplir par les parents et à interpréter par les orthodontistes. Pour l’heure, l’enquête STOP-BANG est la meilleure méthode de dépistage à disposition des orthodontistes pour identifier les adultes souffrant ou à risque de SAOS. Lorsque que nous suspectons qu’un patient souffre de SAOS, nous devons l’adresser à un ORL ou médecin du sommeil.
Que ne peuvent ou ne devraient pas faire les orthodontistes concernant les SAOS ?
Les orthodontistes ne peuvent pas prédire, prévenir, diagnostiquer ou guérir le SAOS. Nous ne devons pas nous servir de l’argument « traitement de la ventilation / des voies aériennes » pour justifier certaines approches thérapeutiques comme par exemple des disjonctions maxillaires précoces, des traitements sans avulsion, des traitements sans distalisation, etc…
« Lorsque l’on prend en compte la nature complexe et multifactorielle de la maladie, le fait d’attribuer la cause du SAOS à un facteur dentaire mineur ou un changement de morphologie est illogique. Malgré cela, les personnes créent de la désinformation et la disséminent largement. »
L’urgence d’un consensus sur le SAOS
Le titre de ce congrès d’hiver était à juste titre « SAOS et orthodontie : consensus et recommandations ». A une époque où l’orthodontie se fait attaquer de tous côtés, la dernière chose dont nous avons besoin est une publicité et des affirmations trompeuses qui nous diviseraient.
Les résultats de ce groupe d’enquête étaient que les orthodontistes ne peuvent ni prévenir, être à l’origine ou guérir le SAOS. Je félicite ceux dans notre profession qui ont su reconnaître l’importance de dépister et d’adresser les patients souffrant potentiellement de SAOS aux médecins appropriés avant cette conférence. Il est primordial que nous convenions tous d’un consensus et que nous véhiculions un message identique et constant à l’opinion publique et à nos confrères avant que le thème SAOS ne devienne incontrôlable.
Commentaires de Kevin
Merci Greg, c’est un superbe résumé. Je vais digérer toutes ces informations puis j’écrirai un article de blog sur cette problématique et la « nouvelle spécialité » d’orthodontistes centrés sur la ventilation…. En attendant, merci pour toutes ces informations très utiles.
Emeritus Professor of Orthodontics, University of Manchester, UK.