Une nouvelle étude syrienne sur des appareils fonctionnels préfabriqués nous fournit des résultats intéressants
De temps à autre, quelqu’un fait une superbe étude. Cette étude a été faite en Syrie et sa publication a été retardée à cause de la crise syrienne. Elle vaut le coup d’être lue.
Cet essai clinique s’intéressait au domaine controversé de l’orthodontie myofonctionnelle / éducation fonctionnelle. Cette philosophie de traitement repose sur des traitements précoces à l’aide d’appareils préfabriqués et d’exercices musculaires. Les partisans affirment traiter l’étiologie des malocclusions et que leurs appareils sont plus effectifs que les traitements conventionnels. De plus, les résultats de ce type de traitements seraient plus stables qu’une prise en charge orthodontique classique. En théorie cela paraît logique. Cependant, bien que « Myofunctional Research » en fasse une promotion large, les preuves au sujet de ces affirmations font défaut. J’ai déjà posté à ce sujetet j’ai eu une discussion intéressante avec le conseiller scientifique de Myofunctional Research. Initialement ils semblaient intéressés d’entreprendre avec moi des recherches et que je sois leur conseiller, mais leur silence était assourdissant lorsque je leur ai demandé s’ils étaient prêts à faire une étude dans laquelle des patients seraient randomisés entre des traitements orthodontiques conventionnels ou myofonctionnels.
Cette étude a été faite par une équipe basée en Syrie et constitue un exemple pour tous ceux qui résistent à faire des essais cliniques pour leurs produits.
Ghassan Idris et al
European Journal of Orthodontics 2018, 1–8
doi:10.1093/ejo/cjy014
Ils se sont demandés :
« Quels sont les effets au niveau des tissus mous et des tissus durs d’un activateur et d’un éducateur fonctionnel préfabriqué ? »
Qu’ont-ils fait ?
Le PICO était :
Participants : enfants de 8 à 12 ans avec un surplomb incisif de plus de 4mm. Ils ont été recrutés à l’aide d’un programme de dépistage.
Intervention :éducateur fonctionnel pour enfants (T4K). Ceci est un appareil préfabriqué. Les enfants devaient le porter 2 heures par jour et pendant qu’ils dormaient. Tous les participants avaient des éducateurs fonctionnels souples pour les 6 premiers mois, ensuite des éducateurs fonctionnels rigides étaient utilisés pour le temps de traitement restant.
Contrôle : activateur conventionnel porté 15 heures par jour.
Variable étudiée : analyse céphalométrique au début du traitement et après 12 mois.
Ils ont réalisé un bon calcul de la taille de l’échantillon nécessaire. Ils l’ont basé sur une différence d’1 degré d’ANB. Ceci est plutôt faible et je me demande si l’étude n’était pas trop puissante. Quoi qu’il en soit, le calcul a montré qu’il fallait 30 participants dans chaque groupe. Ceci réduisait le problème d’une petite étude rapportant de faux effets.
Ils ont utilisé une randomisation prédéterminée et ont mis en aveugle la répartition avec des enveloppes scellées. Malheureusement, il n’est pas très clair si l’inclusion des patients se faisait avant la répartition. Ceci soumet l’essai clinique à des risques de biais.
Qu’ont-ils trouvé ?
Ils ont randomisé 30 patients pour chaque modalité de traitement. A la fin de l’étude, 2 patients du groupe activateur et 4 du groupe T4K avaient abandonnés.
Ils ont présenté une grande quantité de données céphalométriques, ce qui pouvait prêter à confusion. De ce fait, j’ai sélectionné dans ce tableau quelques-unes des variables les plus importantes concernant le résultat du traitement.
Résultat final | Activateur | T4K | p |
ANB | 4.53 (1.69) | 6.21 (2.04) | 0.001 |
Wits | 1.57 (1.44) | 2.50 (1.69) | 0.2 |
Surplomb | 4.20 (2.1) | 4.61 (2.14) | 0.001 |
Ils ont conclu qu’un traitement de 12 mois à l’aide d’un activateur conduisait à de meilleurs changements squelettiques qu’avec un T4K. De plus, l’activateur était également supérieur au T4K pour la réduction du surplomb et la normalisation des tissus mous.
Dans leur discussion ils ont suggéré que cela pourrait être dû au plus grand temps de port de l’activateur. Ils ont également relevé que le T4K était assez souple et ne maintenait pas autant la mandibule en avant que l’activateur.
Ce que j’en pense ?
J’ai trouvé que c’était une étude intéressante et bien conduite. Les points positifs étaient :
- Ils étudiaient une question cliniquement pertinente.
- L’essai clinique avait un nombre de patients suffisant et il y avait peu de perdus de vue.
- La randomisation et le maintien en aveugle étaient bons.
- Ils ont relevé et analysé les données en aveugle.
Ces points étaient potentiellement problématiques :
- Il n’était pas clair s’ils attribuaient le traitement après le recrutement des patients dans l’essai clinique. Ceci veut dire qu’il y a une possibilité de biais. Quoi qu’il en soit, les groupes étaient similaires au départ.
- Ils n’ont que mesuré des données céphalométriques. De plus, les différences entre les deux groupes après le traitement étaient assez faibles. Je n’ai pas l’impression qu’elles étaient significatives cliniquement.
Si nous assemblons tout ceci, je pense que ce travail nous fournit des informations cliniques pertinentes et suggère qu’il n’y a pas de réelles différences cliniques entre un traitement par activateur ou T4K.
Nous devons maintenant réfléchir s’il y a un avantage à utiliser le T4K du fait qu’il soit préfabriqué et qu’il puisse être mis en place sans empreintes préalables. Je pense que ceci est un bénéfice considérable de ce type d’appareils. J’aimerais également voir plus de recherches sur les résultats de l’ensemble du traitement avec ce type d’appareils.
Commentaires finaux
Pour finir, j’aimerais évaluer si les résultats de cette étude et d’une étude précédente d’Emina Circic soutiennent ou non les arguments publicitaires de Myofunctional Research. J’ai regardé leur site internet. Ils revendiquent d’améliorer la respiration, de développer les arcades, une meilleure croissance des mâchoires et une plus grande stabilité au long terme de leur traitement. Cette étude ne soutient pas ces affirmations. Peut-être devraient-ils faire des recherches concernant ces déclarations avant de les faire ?
Quoi qu’il en soit, il apparaît que les appareils myofonctionnels testés dans les deux études produisent des résultats comparables à ceux d’activateurs conventionnels. Ceci pourrait être un argument de vente majeur pour les orthodontistes. Ils n’auraient pas besoin de promouvoir leurs appareils en faisant référence à des affirmations magiques. Je me demande pourquoi ils ne le font pas.
Emeritus Professor of Orthodontics, University of Manchester, UK.