Une nouvelle étude montre que nos patients n’ont pas besoin de porter le Twin Block tout le temps
La plupart d’entre nous demandent à leurs patients de porter leur Twin Block tout le temps. Cette nouvelle étude nous apprend que ce n’est pas nécessaire.
Il est rare qu’une équipe mène une étude qui change nos pratiques. J’ai pourtant l’impression que cette étude en est une.
La plupart du temps nous demandons à nos patients de porter les appareils myo-fonctionnels tout le temps. Cependant, nous ne savons pas vraiment quelle durée de port nous obtenons. Le développement de timer intra oraux nous permet de mesurer la compliance au traitement par appareils amovibles et les investigateurs de cette étude ont utilisé cette nouvelle technologie.
Jeet Parekh, Kate Counihan, Padhraig S. Fleming, Nikolaos Pandis, and Pratik K. Sharma
Am J Orthod Dentofacial Orthop 2019;155:165-72 https://doi.org/10.1016/j.ajodo.2018.07.016
Une équipe de Barts (la London School of Dentistry) et de Bern ont réalisé cette étude. L’East End est un quartier populaire historique de Londres et Bern une ville suisse assez chic.
L’AJODO a publié cet article.
Dans l’introduction, les auteurs rappellent que de nombreux essais cliniques ont été réalisés sur le Twin Block, mais qu’aucun n’a discuté des problèmes de compliance avec cet appareil.
Quelle était la question ?
Ils ont réalisé cette étude pour « Comparer les effets dentaires et squelettiques du port du Twin Block quand on le prescrit à temps plein ou à temps partiel. »
Qu’ont-ils fait ?
Ils ont réalisé un essai en groupes parallèles randomisé avec une allocation 1:1.
Le PICO était :
Participants :Patients de 11 à 13 ans avec une classe II 1 avec un surplomb supérieur à 7mm.
Intervention :Il est demandé de porter le Twin block à temps partiel, pour un total de 12 heures par jour.
Contrôle :Il est demandé de porter le Twin Block à temps plein, à part pour manger ou faire du sport (22 heures par jour).
Observation : le critère de jugement primaire est la réduction du surplomb. Le critère de jugement secondaire sont les changements squelettiques selon les mesures céphalométriques.
Ils ont installé une micro puce TheraMon dans un des blocks de chaque appareil. Le patient ne savait pas que le port de l’appareil était chronométré.
Le calcul de la taille de l’échantillon avait montré qu’ils devaient inclure 62 patients pour cette étude. Ils ont utilisé une randomisation et une mise en aveugle à l’aide d’enveloppe scellées. Ils ne pouvaient pas réaliser l’étude à l’aveugle pour les praticiens. Cependant, ils ont collecté les données à partir d’études céphalométriques anonymisées. L’analyse statistique a été réalisée par une utilisation appropriée de l’analyse de covariance.
Qu’ont-ils trouvé ?
62 patients ont été inclus dans l’étude. A la fin des 12 mois, 55 patients étaient arrivés à bout de l’étude. Il y avait 6 perdus de vue dans le groupe du port continu et 1 dans l’autre groupe. Les groupes étaient comparables au début du traitement.
La moyenne de réduction du surplomb dans le groupe de port continu du Twin Block était de 7mm (SD= 2,92) et de 6,5mm dans le groupe à temps partiel (SD=2,62). Ces différences n’étaient ni cliniquement ni statistiquement significatives. Ils n’ont aussi trouvé aucune différence dans les mesures squelettiques antéropostérieures. Par exemple, l’ANB variait de 1,5 degrés dans le groupe à temps partiel et de 1,25 degrés dans le groupe de port continu.
Il y avait plus de filles dans le groupe de port continu mais cela n’avait pas d’impact d’après l’analyse statistique.
Enfin, quand on regarde le temps réel de port de l’appareil, ils ont montré qu’il était de 12,3 heures (51% du temps de port prescrit) dans le groupe qui devait le porter tout le temps, contre 8,7heures (73% du temps prescrit) dans le groupe qui devait le porter à mi-temps.
Leur conclusion générale était : « Il n’y a pas de différence d’impact squelettique ou dentaire entre le port continue ou à temps partiel du Twin-Block ».
Qu’est-ce que j’en pense ?
Je pense que c’est une bonne petite étude qui répond à une question très pertinente cliniquement. La méthodologie était rigoureuse et l’étude très bien présentée. Il était agréable de voir une rédaction satisfaisant parfaitement aux recommandations CONSORT. L’étude comporte peu de biais et les intervalles de confiance étaient petits, ce qui suggère une incertitude limitée.
On trouve plusieurs résultats significatifs. Premièrement, les patients ne portent pas leurs appareils autant que les orthodontistes l’espèrent. Ce résultat est retrouvé dans d’autres études qui utilisent le timer Theramon. Autrement dit nous n’avons pas une coopération totale.
Ils ont aussi montré que plus de patients du groupe de port à temps partiel avaient terminé l’étude. Ceci suggère qu’il y a peut-être une meilleure coopération quand on demande aux patients de ne porter le Twin Block qu’à la maison ou la nuit, et pas à l’école.
Le résultat le plus important était que la durée de port des appareils ne faisait pas de différence sur l’observation finale. Alors que cela peut nous étonner, nous devrions aussi repenser au travail de Proffit sur la durée des forces requises pour le mouvement dentaire. Il avait montré qu’il fallait plus de 6 heures de port pour permettre le mouvement dentaire. Ainsi, les conclusions de cette étude peuvent être corrélées à des bases théoriques.
Pour finir, ces résultats amènent à penser que nous pouvons demander à nos patients de ne porter le Twin-block qu’à temps partiel.