February 14, 2019

Une nouvelle étude sur l’utilisation de la piezochirurgie en vue d’accélérer le déplacement dentaire. On n’obtient pas toujours ce qu’on veut…

Il existe plusieurs nouvelles techniques que nous pouvons utiliser pour essayer de déplacer les dents plus rapidement. Cette nouvelle étude s’intéresse à la technique plutôt invasive qu’est la piezochirurgie.

La piezocision est une méthode “peu” invasive pour accélérer le déplacement dentaire. Ceci consiste à occasionner un traumatisme à l’os alvéolaire durant le traitement orthodontique. Une équipe de Turquie et du Massachusetts (USA) a réalisé cette étude. Le Journal Européen d’Orthodontie (EJO) a publié ce travail.

Efficacité de la technique de piézochirurgie lors d’une rétraction en masse sur minivis : un essai contrôlé randomisé monocentrique.

Nilüfer İrem Tunçer et al

European Journal of Orthodontics, 2017, 586–594

doi:10.1093/ejo/cjx015

Les investigateurs voulaient étudier l’effet de la piézochirurgie sur le taux de réduction du surplomb incisif en utilisant une mécanique de rétraction en masse, avec et sans piézocisions. Ils ont aussi observé l’effet de l’intervention sur plusieurs biomarqueurs. Je vais simplement me concentrer sur le taux de déplacement dentaire parce que je pense que c’est le résultat le plus pertinent d’un point de vue clinique.

Qu’ont-ils fait ?

Ils ont réalisé un essai clinique randomisé avec une répartition des patients en 2 groupes de taille égale.

Le PICO était le suivant :

Participants : patients orthodontiques âgés de 14 ans et plus nécessitant un appareil orthodontique haut et bas avec extraction de 4 prémolaires.

Intervention : piézochirurgie

Contrôle : traitement conventionnel sans piézochirurgie.

Variable étudiée : taux / vitesse de fermeture des espaces prémolaires par rétraction en masse. Les investigateurs ont mesuré ceci directement en bouche en utilisant un pied à coulisse numérique aux jours 15, 30, 60, 90 et 120 post-piézochirurgie. Cette mesure n’a pas été réalisée en aveugle.

Ils ont également analysé les téléradiographies de profil prises immédiatement avant la piézochirurgie, après 28 jours et à la fermeture des espaces d’extraction.

Le calcul de la taille de l’échantillon nécessaire était clair et la randomisation a été faite à l’aide d’enveloppes scellées. Les patients ont choisi leur enveloppe après avoir accepté de participer à l’étude. Les données céphalométriques ont été analysées en aveugle mais les mesures intra-orales de fermeture des espaces ne l’ont pas été.

Certains lecteurs ne connaissent peut-être pas le principe de la piézochirurgie. Ceci implique :

  1. une anesthésie locale
  2. des incisions de la muqueuse buccale
  3. des incisions dans l’os alvéolaire de 3 mm de profondeur entre chaque dent antérieure
  4. des sutures nécessaires en fin d’intervention
  5. une gestion de la douleur postopératoire, l’application de poches de glace pendant 24h.

Voici une vidéo Youtube de ce procédé :

Pour être franc, je ne suis pas certain que ceci puisse être qualifié de “peu invasif” ?

Qu’ont-ils trouvé ?

Après avoir mesuré les taux de fermeture d’espace et avoir analysé les différentes variables céphalométriques, ils n’ont trouvé aucune différence entre les groupes. De manière importante, ils n’ont pas trouvé de preuve que la piézocision influence le taux de déplacement dentaire.

Ce que j’en pense ?

J’ai pensé que cet essai était une étude intéressante. Malheureusement, il y a eu un problème majeur avec la mise en aveugle du recueil des données. Il n’était pas clair si la personne qui mesurait les espaces d’extraction était en aveugle quant au type de traitement suivi par le patient. Si l’investigateur était au courant du type de traitement, alors cette étude présente un risque élevé de biais. J’ai contacté l’auteur par email et elle m’a confirmé que c’était le cas. Elle a également ajouté que s’ils avaient réalisé des empreintes à chaque recueil de données, cela aurait été une contrainte supplémentaire pour le patient.

J’ai réfléchi à ce sujet posément, et lorsque j’ai regardé la réduction du surplomb incisif et le déplacement des molaires sur les téléradiographies de profil, il y avait également une absence de différences. Par conséquent, je pense que nous pouvons conclure qu’il n’existait pas de différences céphalométriques quant au type de traitement. Il y a une absence de preuve concernant les effets de la piézochirurgie.

En résumé, mon point de vue principal est qu’il y a des failles dans la méthodologie appliquée, particulièrement concernant la mise en aveugle. Quoi qu’il en soit, la piézocision ne semble pas facile et confortable pour nos patients. En conséquence de quoi, j’espère avoir des résultats cliniquement significatifs évidents pour cette intervention. Ce n’est pas le cas pour cette étude.

J’ai également revu d’autres études sur la piézocision et elles ont toutes démontré peu ou pas d’effets. Il ne me viendrait même pas à l’esprit de faire cela. Quelqu’un le ferait ?

 

 

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