November 25, 2018

Les essais cliniques bénéficient-ils aux patients ?

Il est bien admis que les essais cliniques randomisés sont le meilleur moyen de tester des traitements. Mais ont-ils une influence sur les soins fournis au patient ?

J’ai mentionné plusieurs fois sur ce blog que la méthode la plus rigoureuse d’évaluation des traitements orthodontiques est l’essai clinique randomisé. C’est alors décevant que les essais cliniques ne semblent pas toujours se traduire par une mise en pratique clinique qui aiderait nos patients. J’ai été alors très intéressé de tomber sur cet article. Il a été écrit par une équipe du Centre de la Médecine Fpndée sur la Preuve d’ Oxford. Les universitaires sont très intelligents à Oxford et j’ai décidé d’interpréter leurs points en termes de recherche orthodontique.

Pourquoi les résultats d’essais cliniques échouent à entraîner des bénéfices pour les patients.

Carl Henegan et al

Trials 2017 18:122

https://doi.org/10.1186/s13063-017-1870-2

Le journal « Trials » a publié cet article qui est en accès libre, donc tout le monde peut le lire.

Dans leur introduction, ils font remarquer que les problèmes des résultats issus des essais cliniques pourraient être répartis dans les catégories suivantes:

(i) Conception de l’étude

(ii) Méthodes

(iii) Publication

(iv) Interprétation

Par conséquent, si une étude a ces problèmes, elle ne va probablement pas mener à des bénéfices rendus au patient.

J’ai décidé d’interpréter leurs points principaux avec des exemples pertinents en orthodontie, là où j’ai pu le faire! En faisant cela, j’espère que je peux fournir des informations qui pourraient vous aider  à interpréter les résultats des essais cliniques.

Variables de substitution

Les enquêteurs utilisent des variables de substitution afin d’essayer de prédire un variable plus complexe ou un résultat final. Ils le font parce que ceux-ci sont disponibles bien avant le résultat final ou ultime. Cela signifie qu’ils peuvent publier leurs résultats plus tôt que s’ils avaient eu à attendre la fin du projet d’étude dans son ensemble.

Un exemple en orthodontie est celui consistant à mesurer les effets des appareils fonctionnels à la fin de la phase fonctionnelle. Alors que celle-ci reste intéressante, elle n’apporte pas de réponse quant au résultat final du traitement. Le point de collecte de donnée le plus utile est celui à la fin de tout traitement car c’est ce qui compte pour le patient.

Résultats subjectifs

C’est lorsqu’un observateur utilise son jugement pour évaluer un résultat. Un exemple est l’évaluation de l’esthétique du visage par un petit groupe de personnes. Ceci est particulièrement important si le groupe est constitué d’orthodontistes. Si les examinateurs ne sont pas mis en aveugle pour l’attribution du type de traitement, cet effet est encore plus marqué. J’ai souligné ce problème potentiel dans un essai de traitement précoce de Classe III.  

Manque de pertinence pour le patient

 Ce problème est lié à la taille de l’échantillon et à la confusion associée à la significativité statistique. Nous sommes doués pour ça en recherche orthodontique. Par exemple, nous avons tous entendu parler de ce type d’articles qui rapportent quelques modifications céphalométriques surexcitant les auteurs car les différences sont “hautement significatives statistiquement”. Toutefois la taille de l’effet du traitement n’a aucune significativité et pertinence clinique. Nous devons faire très attention à cela.

Données manquantes

Toutes les études ont des données manquantes. Ceci entraîne une perte de puissance statistique et de potentielles fausses conclusions. Dans leur article, les auteurs m’ont rappelé la règle des “5 et 20”. Ce guide simple établit que

“Si plus de 20% des données sont manquantes alors l’étude est biaisée. Si moins de 5% des données sont manquantes, il y a un faible risque de biais.”

Nous pouvons appliquer cette règle quand nous lisons des articles. Un bon exemple de ce problème est le faible taux de réponse à un sondage qui mesure une variable dans un essai clinique.

Biais de publication

Celui-ci survient quand un essai n’est pas publié parce que les auteurs, ou les fournisseurs de fonds, n’aiment pas les conclusions. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles tous les essais doivent être enregistrés dans un registre des essais cliniques avant de débuter. Si vous allez sur Clinical trials.gov et recherchez les études en orthodontie qui sont terminées,

ou suivez simplement ce lien : https://clinicaltrials.gov/ct2/results?cond=Orthodontics

vous verrez qu’il existe 55 essais finis et potentiellement en attente de publication. Il n’est pas possible d’évaluer combien d’études comme celles-ci ne sont pas publiées, mais vous pouvez voir que certaines sont terminées depuis un bout de temps et ne seront peut-être pas publiées.

Sous déclaration d’effets indésirables

C’est simple, tous les essais cliniques doivent rapporter les effets bénéfiques et indésirables d’un traitement. Il y a beaucoup d’essais en orthodontie qui ne rapportent que les bienfaits d’un traitement mais qui n’évoquent pas ses méfaits potentiels. Ceux-ci sont importants pour le patient et devraient toujours être enregistrés et mentionnés. J’en ai été coupable dans ce que je pense être mes meilleures publications. Nous n’avons tout simplement pas pensé à enregistrer les effets indésirables et ceci est une erreur.

Surenchère

Ceci se produit lorsque les auteurs présentent les données d’une façon beaucoup plus positive qu’il en est en réalité. Le meilleur exemple récent en orthodontie sont ces papiers qui prétendent une certaine augmentation de X pourcents du taux de mouvement dentaire avec des MPOs (microperforations osseuses) ou des vibrations.

Par exemple, dans une étude sur les MPOs, les auteurs ont rapporté une augmentation de 62% du déplacement dentaire mais celle-ci équivalait seulement à 0.5 mm par mois. C’est une différence qui n’est pas cliniquement significative.

Multiplicité

C’est lorsqu’un essai clinique rapporte plusieurs résultats qui sont fréquemment liés. Nous devons nous rappeler que plus il y a de variables, plus les chances d’avoir un faux-positif parmi elles est grande.

Encore une fois, nous sommes doués pour cela. Le meilleur exemple est le festival céphalométrique avec de multiples tests statistiques sur 20-30 mesures qui ne sont pas intéressantes. Si vous ouvrez n’importe quelle revue vous en trouverez un. Quand nous faisons de tests simples multiples nous allons trouver au moins une valeur significativement différente et nous serons ravis de pouvoir écrire quelque chose là-dessus. Les auteurs ne tiennent pas compte du fait que ces résultats auraient pu survenir par hasard.

Quelle est la solution ?

Les essais cliniques orthodontiques ont bien évolué lors des 20 dernières années. Actuellement, les enquêteurs font de très bons essais cliniques. Mais comme pour la plupart des choses de la vie, nous devons nous améliorer. Nous pouvons le faire de différentes façons :

  • en enregistrant et en publiant tous les essais cliniques
  • en utilisant les résultats qui sont pertinents pour le patient
  • en identifiant une ou deux valeurs céphalométriques qui ont un intérêt clinique, s’il faut en utiliser
  • en évitant de surenchérir sur les résultats trouvés
  • en rapportant les résultats à la fin du traitement et en y incluant les effets bénéfiques et indésirables.

Si nous faisions uniquement ceci, nous rendrons la recherche plus accessible et plus facile à lire, à comprendre et ceci ferait une grande différence à la fois pour les orthodontistes et pour nos patients.

 

 

 

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